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Spoilers potentiels

Ludosophie, xyloglotte, composé de ludo, le jeu, et de sophie, le sage, la sagesse. Traduit librement par « jeu de sagesse ».

Naya’s Quest, la quête de Naya, est un jeu vidéo en vue isométrique, réalisé par Terry Cavanagh, créateur, entre autre, de VVVVVV et de Super Hexagon, que j’ai terminé il y a quelques longues minutes désormais, et qui m’a donné envie d’écrire.

L’histoire

Le jeu nous fait incarner Naya, l’héroïne, cherchant un moyen d’atteindre the Edge, traduit sobrement par le Bord, un phénomène, suppose-t-on, qui provoque le rétrécissement du monde, jusqu’à éventuellement provoquer sa disparition – Naya cherche à atteindre ce phénomène, pour le comprendre, dans une noble quête de connaissance. L’on apprend qu’en chemin elle aura rencontré un moine s’enfuyant dans l’autre sens, terrifié de ce qu’il a vu, ayant cependant laissé un objet utile à l’accomplissement de la quête.

Cet objet, dans la grande majorité du jeu, est un scanner permettant de voir le monde selon une autre vision. La mécanique du jeu, en effet, consiste en tromper la vision du joueur en jouant avec les perspectives, qui donneront l’impression d’avoir en face de soi un chemin simple, cachant en réalité de nombreux pièges. Le jeu donne l’impression de naviguer sur des sortes d’escaliers de Penrose s’enchaînant les uns aux autres, dans des puzzles de plus en plus complexes au fur et à mesure que Naya se rapproche du Bord.

Le jeu

J’ai passé un bon bout de temps sur certains niveaux, qui demandent à la foi une réflexion certaine, une bonne remise en question de nos yeux et un brin de try again. Non, je plaisante, pas mal de try again, car même si le concept est simple, certains niveaux sont suffisamment tordus pour faire rager même les meilleurs d’entre nous. De plus, à ajouter aux niveaux finaux, un nouveau mode de jeu est déblocable après la première partie terminée, où le scanner est remplacé par un spinner, permettant non plus d’analyser les chemins mais de les faire tourner, à l’instart d’un FEZ encore plus Indie. De délicieux maux de crâne en perspective.

Ce qui est superbe avec ce jeu reste cependant le côté de remise en question de notre vision de la réalité. Ici, l’on parle de réalisme dans le sens où la réalité existe indépendamment de l’observateur. Ce n’est pas parce que, a contrario d’autres jeux comme Closure ou Antichamber, l’on change l’angle d’observation que le terrain se doit de changer : le terrain reste le même, parfaitement et cruellement le même, et c’est à nous de nous adapter, et de réfléchir à nos actions avant d’agir – car nos actions n’influencent pas l’environnement.

La réflexion

Mais, quoiqu’il en soit, j’ai fini ce jeu, et la fin m’a donné matière à réfléchir. En effet, Naya pense à chaque fois se rapprocher de plus en plus du Bord, au fur et à mesure qu’elle avance dans les niveaux. Elle pense découvrir, comprendre ce qu’est le Bord, le « sentir », avant de se rendre compte que non, pas encore – mais elle y est presque ! Malgré un monde se rétrécissant, malgré sa ténacité, son désir de découvrir, et surtout le fait qu’elle continue d’avancer sans s’arrêter, le Bord ne semble jamais se rapprocher.

Cela m’a fait penser, en un sens, aux paradoxes de Zénon, notamment celui d’Achille et la tortue, car Naya se rapproche toujours un peu plus du Bord, sans cependant jamais l’atteindre. Cependant, elle ne perd pas espoir, et continue d’avancer, coûte que coûte. C’est malgré tout sous la forme d’une parabole sur la quête de la connaissance ou quête de la vérité que j’ai ressenti ce jeu. Plusieurs éléments sont intéressants, à savoir la figure du moine, qui donne à Naya un outil lui permettant de réussir à évoluer en direction du Bord, mais qui, en même temps, semble être un cadeau empoisonné. Il a été dit que le moine s’enfuyait du Bord, après avoir été terrifié ; ne s’est-il pas débarrassé de son scanner justement dans le but de se sauver ?

Ledit scanner est accompagné d’un message étrange : il est fait vœu de réussite à la personne. Puisse cet outil t’aider à trouver ce que tu cherches. Certes, mais que recherche-t-on exactement ici ? J’opte pour la « Vérité », ou, dans une autre mesure, la Connaissance – et c’est peut-être de cette connaissance que le moine aura eu peur.

Finalement

Je cherche souvent à compliquer des choses qui n’en ont pas besoin, au final. Cependant, j’aime à rechercher des sens dans les oeuvres que j’ai à ma disposition. Lorsque l’on regarde les autres jeux de Cavanagh, l’on voit une culture et un background nous faisant penser, nous tourner vers les mythes et légendes grecques, notamment avec Don’t Look Back, un jeu qui semble récupérer pas mal du mythe d’Orphée aux enfers.

Je ne pense pas que tous les jeux soient forcément volontairement réalisés avec l’idée de mélanger des mythes existants et des questions philosophiques. Cependant, cela arrive, souvent, et il est un jeu bien agréable que de chercher à se mettre à la place de l’auteur, à penser comme lui, et à vivre l’aventure telle qu’il l’avait imaginée – son aventure.