Il ne faut point croire que l’homme est le plus vieux ou le dernier des maîtres de la terre, ou que la masse commune de vie ou de substance soit seule à y marcher. Les Anciens ont été, les Anciens sont, et les Anciens seront. Non dans les espaces que nous connaissons, mais entre eux. Ils vont sereins et primordiaux, sans dimensions et invisibles à nos yeux. Yog-Sothoth connaît la porte. Yog-Sothoth est la porte. Yog-Sothoth est la clé et le gardien de la porte. Le passé, le présent, le futur, tous sont un en Yog-Sothoth. Il sait où les Anciens ont forcé le passage jadis, et où Ils le forceront de nouveau. Il sait où Ils ont foulé les champs et la terre, et où Ils les foulent encore, et pourquoi nul ne peut les voir quand Ils le font. A leur odeur, les hommes peuvent parfois connaître qu’Ils sont proches, mais de leur apparence aucun homme ne peut rien savoir, si ce n’est sous les traits de ceux qu’Ils ont engendrés chez les hommes ; et de ceux-ci sont plusieurs espèces, différentes par leur figure, depuis la plus véridique eidolon de l’homme à cette forme invisible et sans substance qui est Eux. Ils passent, nauséabonds et inaperçus dans les lieux solitaires où les Paroles ont été prononcées et les Rites ont été hurlés tout au long en leurs Temps. Leurs voix jargonnent dans le vent, et Leur conscience marmonne dans la terre. Ils courbent la forêt et écrasent la ville, pourtant ni forêt ni ville ne peuvent apercevoir la main qui frappe. Kadath Les a connus dans le désert glacé, et quel homme connaît Kadath ? Le désert de glace du Sud et les îles englouties de l’Océan renferment des pierres où Leur sceau est gravé, mais qui a jamais vu la ville au fond des glaces et la tour scellée festonnée d’algues et de bernacles ? Le Grand Cthulhu est Leur cousin, encore ne les discerne-t-il qu’obscurément. Ïa ! Shub-Niggurath ! Vous les connaîtrez comme une abomination. Leur main est sur votre gorge, bien que vous ne Les voyiez pas ; et Leur demeure ne fait qu’un avec votre seuil bien gardé. Yog-Sothoth est la clé de la porte, par où les sphères communiquent. L’homme règne à présent où ils régnaient jadis ; Ils régneront bientôt où l’homme règne à présent. Après l’été l’hiver, et après l’hiver l’été. Ils attendent, patients et terribles, car Ils régneront de nouveau ici-bas.
– Necronomicon, page 751 de l’édition espagnole de la traduction latine